Dans Ridiculous Fishing, le tartare est un fusil fumant
par Benoit, 2013-04-15

À un moment dans l’évolution des jeux vidéos où l’avidité commerciale l’emporte trop souvent sur l’originalité et le pur plaisir, un trio de indie superstars ont créé Ridiculous Fishing, un jeu vidéo rigolo et captivant de pêche à la ligne et à l’artillerie lourde en haute mer, délicieux comme un sashimi bien frais.

Le vieil homme et l’amer

La plus importante aptitude d’un gamer sur iOS aujourd’hui est la patience. Chaque semaine, l’App Store publie en moyenne une grosse douzaine de nouveaux jeux. Une large part de cette avalanche logicielle est composée de clichés, de concepts réchauffés, de tristes clones sans art et, dans le pire cas, d’idées intéressantes étouffées derrière des schémas de coercition à payer pour progresser. Heureusement, il apparaît dans cette soupe sans goût des morceaux intéressants – mais il faut les attendre patiemment.

Dans ce cadre, Ridiculous Fishing constitue un véritable joyau. Ce jeu, créé par Vlambeer, Greg Wohlwend et Zach Gage, se veut une réponse à l’attitude de l’industrie suggérant que seules les attitudes mercantiles et l’incitation agressive aux achats à même un jeu peuvent en générer un profit. Cette réponse est une incroyable explosion de créativité et d’humour, qui récompense abondamment chaque minute qu’on y investit.

Poulpe avec de grands yeux surpris

Ces poulpes ont l’air surpris… Vous faisiez quoi dans cette obscurité?

On plonge, on remonte, puis on EXTERMINE TOUT

On joue en tant que Billy, pêcheur de son métier. Le but est de pêcher pour faire des sous pour acheter des trucs pour pêcher plus… enfin. La technique est simple: on lance d’abord la ligne à l’eau, qu’on doit faire descendre aussi profondément que possible, en évitant de toucher les créatures marines. Dès qu’on touche un animal, il est hameçonné et on commence à remonter la ligne. Il faut alors toucher un maximum de bibittes afin de les remonter toutes… excepté certaines, comme les méduses, qui font perdre une partie des gains. Une fois la ligne toute rembobinée, les animaux pêchés sont lancés en l’air. Il faut alors les achever en tirant dessus au fusil, sans quoi ils retombent à l’eau et ne rapportent rien.

Mitraillage des poissons lancés en l'air

Je ne tenais pas à savoir comment sont faits les bâtonnets de poisson.

Entre les pêches, on peut visiter une boutique où on peut brader l’argent des poissons contre des lignes plus longues, des fusils plus efficaces (le rayon orbital est un peu too much) et des tas de trucs technos super utiles, comme un hameçon-tronçonneuse. Quand on a attrapé assez d’espèces différentes de poisson, on peut passer à la zone de pêche suivante.

Les mécaniques de lancer, remonter puis tuer s’articulent élégamment, de sorte qu’il en résulte un jeu stimulant et engageant. Le design visuel du jeu est tout aussi original: les éléments du jeu, et en particulier les créatures marines, sont tracés à l’aide d’une sorte de mosaïque de triangles, comme s’ils étaient regardés à travers un kaléidoscope. Finalement, comme chaque partie de pêche ne nécessite que quelques minutes, le jeu se laisse déguster en courtes séances parfaites pour l’usage mobile.

Homme-grenouille parmi d'autres bibittes.

Au menu ce soir: sardines façon méditéranéenne, chair de crabe en mayonnaise, cuisses d’homme-grenouille.

Une véritable perle

Je suis complètement charmé par Ridiculous Fishing. Le niveau de difficulté progresse avec l’habileté du joueur, dont l’intérêt est maintenu. Le but ultime est d’attraper chacune des espèces au moins une fois, à la Pokémon. Une fois qu’on a acheté presque tous les items de la boutique et attrapé tous les poissons sauf trois ou quatre, on passe à une zone de pêche sans fond. Il s’agit d’un challenge de pure habilité, que je trouve très amusant.

Baleine dans la lune.

Ha! mets-ça dans ta pipe, Capitaine Achab.

Ridiculous Fishing est une expérience de jeu vidéo à la fois superlative et mémorable, mais sans la moindre prétention. Les artistes qui l’ont conçu et créé ont démontré avec brio que dans cette industrie froidement avide et rapace, l’art, le coeur et la beauté ont encore leur juste place.

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