Rétrospective sur mon expérience d'enseignement universitaire cet été
par Benoit, 2014-09-15

J’ai passé l’été à enseigner à l’Université de Sherbrooke, en plus de travailler à temps plein pour Arcadia Labs. Maintenant que j’ai repris mon souffle, j’aimerais récapituler un peu l’aventure.

Opportunité

En janvier dernier, j’ai dû prendre un congé temporaire d’Arcadia Labs. Parce que j’avais faim, je me suis dépêché de prendre contact avec divers anciens collègues et j’ai eu un coup de chance: le Département d’Informatique de l’Université de Sherbrooke cherchait un remplaçant pour un cours de télématique pour le trimestre d’été, en plus d’un responsable pour un autre cours de communication. Oui à tout ceci. Pas de chômage plus tard que mai!

J’étais d’autant plus enthousiaste que j’ai accumulé une bonne expérience d’enseignement universitaire durant mes études graduées. Pour être honnête, j’avais fait le choix des études graduées pour m’investir dans l’enseignement au niveau universitaire (une motivation qui n’a pas suffit à me faire réussir dans la carrière de chercheur qu’il me fallait d’abord mener – c’est là une toute autre histoire). Le travail était pour moi très gratifiant et j’ai généralement maintenu d’excellentes relations avec mes étudiants.

Ceci dit, à la mi-février, Arcadia Labs est prête à me reprendre. Rendu là, je tenais fermement à ma perspective de reprendre l’enseignement. J’ai pu négocier une libération d’une journée par semaine durant le trimestre, décidant donc de mener les deux emplois de front. Tough guy!

Au revoir mon oreiller, à dans trois mois

Dès le début du trimestre, j’ai été débordé par le travail de préparation des cours et des devoirs. Chaque soirée, chaque fin de semaine de l’été (ou presque) commençait avec une descente penaude de l’escalier menant à mon bureau, d’où je n’émergeais que pour prendre des repas et des nuits trop courtes. J’étais à la limite de mes facultés d’organisation. Je ne dormais plus assez. Après quelques semaines, j’ai commencé à perdre le contrôle de mon anxiété. Sautes d’humeur et grosse déprime. Not so tough guy finalement.

Au moins, j’ai donné de bons cours. Les étudiants ont perçu que j’improvisais souvent des changements au plan de cours, puisque je préparais les exposés la veille de les présenter. Quant à mes devoirs, j’ai aussi dû en improviser la portée et le contenu. J’avais aussi de bonnes idées de devoir, posant des défis de programmation TCP/IP intéressants et pertinents. Malheureusement, j’avais le nez tellement collé aux deadlines que j’ai tendu à surestimer les compétences de programmation de mes étudiants. Les quatre devoirs assignés ont pris à tous les étudiants plus de temps que le plan de cours n’en prévoyait, ce que je me suis fait durement reprocher.

Cependant, mon pire manquement en tant qu’enseignant a été ma présence, ou plutôt mon absence. J’habite à l’extérieur de Sherbrooke, de sorte que je ne pouvais pas être présent à l’Université tous les jours. En plus, j’avais prévu une semaine de vacances en famille fin juillet, juste avant laquelle Arcadia m’a envoyé passer une semaine en Espagne, pour affaires. J’ai donc dû assigner des séances spéciales de manière à terminer la matière du cours deux semaines avant la fin de la session, suite à quoi j’ai laissé les étudiants se battre sans mon soutien contre le dernier devoir. J’étais disponible par courriel, mais il n’y a rien comme s’asseoir devant un poste et montrer à une paire d’ahuris comment on débogue une race condition. Cette absence a donc empêché quelques étudiants de profiter pleinement du cours, ce pour quoi j’endosse humblement le reproche.

Conclusion

Donc, c’est maintenant clair, je ne peux pas enseigner en même temps que je mène un emploi à temps plein. Bien que j’arrive à donner des exposés de qualité et que j’apprendrais à mieux calibrer mes devoirs, le coût est trop élevé en termes de qualité de vie, pour moi et surtout pour ma famille. L’été québécois est trop court et trop précieux pour ça.

Par contre, je suis content d’avoir ainsi sondé mes limites. J’ai plusieurs intérêts et projets en tête sur lesquels j’hésite à me lancer, effrayé de ne pas pouvoir soutenir l’effort. S’il n’y a pas constamment la pression d’être prêt pour tel exposé, tel travail ou telle autre date limite le lendemain, je peux vraisemblablement m’investir un soir par semaine ou deux, ou encore un dimanche pluvieux. Je dois simplement veiller à rattraper le sommeil perdu et à garder un oeil sur mon anxiété.

Notes

  • Le Département d’Informatique offre des programmes en régime coopératif, où des trimestres d’études alternent avec des stages de quatre mois en entreprise. Par conséquent, ce Département ouvre trois trimestres congrus par année. Je n’ai donc pas donné un cours de rattrapage ou une session intensive concentrée sur un petit nombre de semaines. C’était la vraie chose.
  • À ma défense: ceux de ces étudiants qui n’étaient pas en fin de programme étaient dans le programme d’arrimage du DEC au bacc. Donc, en principe, tous devaient savoir programmer et jouir d’une expérience considérable. Pourtant, aucun d’entre eux n’a montré qu’il pouvait monter des tests automatisés (c’est tout juste s’ils savaient tester en premier lieu) et plusieurs étudiants ont montré des lacunes importantes dans les compétences de déboguage. Étudiants en fin de programme: pour faire carrière en informatique, il faut savoir montrer systématiquement et avec peu d’effort qu’un programme est fiable et robuste, et il faut savoir en investiguer, diagnostiquer et régler les problèmes. C’est la base. Reprenez les cours de première session si vous ne maîtrisez pas ces compétences.
Commentaires